Vous ne rêvez pas ! Nous sommes bien en 2020,où l'on peut lire dans un journal consacré à la médecine, une tribune d'une psychiatre psychanalyste de Grenoble intitulée: "Quand la haine s’autorise du scientisme,(réponse à la tribune de Sophie Robert)",sans toutefois pouvoir commenter sauf à être un professionnel.
Aussi, c'est ici que je commenterai ce pamphlet :
Le scientisme qualifie une attitude philosophique consistant à considérer que la connaissance ne peut être atteinte que par la science, et que la connaissance scientifique suffit à résoudre les problèmes philosophiques.
Aussi ne peut on que s'étonner qu'un journal de médecine laisse faire un procès d'intention à ceux qui attendraient que la médecine s'appuie sur la science et non sur des considérations philosophiques, à fortiori quand les considérations n'ont plus rien de philosophiques.
Pour alimenter une guerre Pour ou Contre la psychanalyse dans la prise en charge de l'autisme, la parole est donnée à une psychiatre psychanalyste (secrétaire générale du "Rassemblement pour une approche des autismes humaniste et plurielle" - et maman d'un enfant "malade" précise t-elle).
Déjà, on devine que le discours est orienté et que la polémique autour du cas Sophie Robert sert d'excuse pour remettre encore une fois en cause les Recommandations des Bonnes Pratiques Professionnelles (RBPP) de la Haute Autorité de Santé (HAS) qui rappellent que le choix des soins incombe à l'intéressé en premier lieu et que l'intérêt de la prise en charge psychanalytique n'a pas fait preuve de sa pertinence en ce qui concerne l'autisme. Et pour cause, l'autisme est un trouble neurodéveloppemental qui relève avant tout d'une psychoéducation, et au besoin, d'orthophonie, d'ergothérapie, d'aménagements scolaires etc...
La bonne foi voudrait un débat constructif qui puisse apporter quelque chose à la connaissance de l'autisme et aux personnes concernées : le libre choix du praticien ou le choix éclairé de la "méthode" ne peut s'envisager qu'après information de la personne et/ou de son entourage. Quelle que soit la conviction du praticien, il ne peut imposer au nom d'une idéologie, des ses propres croyances, un suivi psychiatrique de quelque obédience qu'il soit.
Dire que Sophie Robert n'est pas médecin ne retire en rien qu'aucun praticien ne peut user de l'autorité que lui confère son statut envers son patient et/ou ne pas l'informer au préalable du choix des thérapies qui s'offrent à lui.
Et que Sophie Robert ait eu ou pas recours à la psychanalyse, qu'elle soit patiente déçue ou pas ne change rien à l'affaire : la psychanalyse n'est pas une science,elle s'en défend d'ailleurs.
Elle est ailleurs...
Cette guerre des "méthodes", une fois de plus attisée par les partisans d'une psychanalyse "déchue" par la HAS, est totalement destructrice pour les familles qui subissent des pressions terribles dés lors qu'elles font le choix des thérapies éducatives et/ou comportementalistes scientifiquement approuvées.
A l'appui des théories revendiquant les bienfaits de la psychanalyse, une interprétation du film "Le Mur" de Sophie Robert : "il a été prouvé devant les tribunaux, que les interviews étaient manipulées au montage. Bon, nous pouvons considérer que ce qui a été dit l’a bien été, mais cela n’excuse pas pour autant la manipulation qui témoigne d’une disposition d’esprit particulière."
L'information manquante est que les dits tribunaux ont condamnés les psychanalystes à verser des dommages et intérêts à Sophie Robert et c'est bien là que réside le seul point à prendre en compte.
Sur ce qui se voulait être une analyse du travail d'investigation de la réalisatrice du Mur , elle accuse cette dernière d'avoir volontairement "coupé des scènes" au montage (ce qui est la base de tout travail de montage, mais passons) mais omet sciemment que dans un des rushes saisis (donc pas utilisé dans la version finale) ,on peut entendre une psychanalyste incriminer ni plus ni moins les mères d'être responsables de l'autisme de leur progéniture.
"Sophie Robert ramène tout à l’autisme"
Christine Gintz ne ramène-t-elle pas tout à l'autisme dans cette contre-tribune ?
Pour imposer la psychanalyse comme une prise en charge incontournable de l'autisme, la psychanalyste nous explique :
"Cela implique en effet qu’on ne naît pas autiste, même si on est porteur d’un gène qui mène de manière statistiquement significative à l’autisme. On naît avec une mutation génétique qui va pousser le développement des réseaux neuronaux dans un sens différent des schémas classiques. L’environnement peut avoir un effet à ce niveau, surtout dans les premiers mois de la vie.
En niant l’effet de l’environnement sur le développement cérébral, Sophie Robert se tire une balle dans le pied quant à l’efficacité des approches qu’elle promeut : elles ne réparent pas le gène muté, elles ne connaissent pas le mécanisme d’action de celui-ci, ni la nature des anomalies neuro-développementales de l’autisme. Elles se contentent d’une approche environnementale. Pourquoi pas ? Mais il conviendrait d’en préciser plus clairement les indications, les limites, et les contre-indications. Ceci laisse la place à d’autres approches comme celles envisagées par les psychiatres et les psychanalystes.
Par ailleurs, ce n’est pas parce qu’un enfant est autiste, que les secrets de familles, les difficultés des parents de tous ordres n’ont aucun effet sur lui. On peut même dire que ces enfants ont une sensibilité exacerbée des affects des proches, au-delà des mots. Il est donc important de les prendre en compte, sans pour autant les considérer comme la cause de l’autisme."
Pour que le lecteur ne perde pas le fil, on naît autiste ... et on meurt autiste.
Nul ne prétend que l'environnement n'est pas à prendre en compte dans le développement des capacités de l'enfant,et si l'on veut sortir de la science pour s'intéresser à des théories plus philosophiques, attachons nous quelques instants à la définition juridique du handicap, puisque l'autisme n'est pas une maladie mais un fonctionnement neurologique particulier qui induit des situations de handicap plus ou moins grave.
« Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant. »
Prendre en compte le handicap, dont l'autisme, c'est à la fois prendre en compte les altérations de fonction(s) sur le plan médical et à la fois aménager l'environnement pour éviter les limitations d'activité ou restriction de participation à la vie en société.
Cette vision sociale du handicap (et non pas uniquement médicale) nous est imposée à tous par les conventions internationales (des droits de l'enfant et des droits de personnes handicapées) ratifiées par la France.
Et lire les recommandations de bonnes pratiques professionnelles suffit à poser les indications, les limites, et les contre-indications que l'on souhaiterait remettre en cause dans l'article ici, dans un entregent "médical".
Le sophisme qui voudrait faire croire que ce n'est pas parce qu'un enfant est autiste qu'il ne pourrait pas "souffrir de secret de familles, d'avoir des parents avec des difficultés de tous ordres et que sa sensibilité exacerbée percevrait les affects des proches" ne démontre aucunement que l'autisme est du à un problème d'éducation, ou de relation parents/enfant. De même, un enfant "valide" peut souffrir de secret de familles, peut avoir des parents avec des difficultés de tous ordres. Il n'existe pas de corrélation démontrée que l'éducation pourrait rendre handicapé. Par contre, l'absence de prise en compte du handicap surajoute du handicap, c'est à ce jour indéniable. De même, le handicap de l'enfant engendre des difficultés de tous genre,dans son entourage familial.
Là où l'on touche le fond de l'ignominie, c'est quand on se sert de la sordide histoire du placement d'une fratrie de trois enfants autistes au motif d'un Münchhausen par procuration pour tenter de justifier l'injustifiable.
L "affaire Rachel",c'est l'histoire d'une maman qui s'est vue retirer ses trois enfants autistes à la faveur d'un rapport de la protection de l'enfance rédigé par des "professionnels" ,manifestement acquis à certaines théories psychanalytiques, supputant que la mère "souhaitait" avoir des enfants "autistes".
187 associations se sont révoltées de cette décision indéniablement attentatoire aux droits fondamentaux de l'enfant, ce qui ne se confond pas avec le fait de discréditer la psychanalyse. Il s'agit juste de rappeler qu'aucune théorie pseudo-scientifique ne doit suppléer la loi.
Et cette affaire construite à partir d'un "problème mal posé" n'a toujours pas été réglée en reformulant de solution comme il se doit. La question que la justice aurait du se poser, c'est celle du droit, pas celle de l'interprétation de la situation. Tout enfant a le droit fondamental de vivre dans son milieu naturel : sa famille . Sauf si sa famille est maltraitante est met en danger l'enfant. (convention internationale des droits de l'enfant).
"Article 2 : 2. Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour que l’enfant soit effectivement protégé contre toutes formes de discrimination ou de sanction motivées par la situation juridique, les activités, les opinions déclarées ou les convictions de ses parents, de ses représentants légaux ou des membres de sa famille."
" Article 3 : 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale."
" Article 5 : Les Etats parties respectent la responsabilité, le droit et le devoir qu’ont les parents ou, le cas échéant, les membres de la famille élargie ou de la communauté, comme prévu par la coutume locale, les tuteurs ou autres personnes légalement responsables de l’enfant, de donner à celui-ci, d’une manière qui corresponde au développement de ses capacités, l’orientation et les conseils appropriés à l’exercice des droits que lui reconnaît la présente Convention."
"Article 9 : 1. Les Etats parties veillent à ce que l’enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Une décision en ce sens peut être nécessaire dans certains cas particuliers, par exemple lorsque les parents maltraitent ou négligent l’enfant."
Or, il n'a jamais été question de s'intéresser à savoir si Rachel traitait bien ses enfants. On lui a pris ses enfants parce que l'on a considéré que c'était elle qui avait voulu rendre ses enfants autistes . Le CRA (centre régional de l'autisme) n'a t-il pas plus compétence pour poser un diagnostic d'autisme (ce qu'il a d'ailleurs fait) que la justice qui écoute l'Aide Sociale à l'Enfance raconter que cette maman souffrirait d'un syndrome de Münchhausen par procuration ?
Et tandis que les faux débats "d'experts" font rage, on oublie juste le drame de trois enfants autistes placés ... et toujours autistes, qui grandissent sans parents, sans relations personnelles avec leur mère depuis plus de 4 ans . Comment peut-on oser faire croire que violer leurs droits seraient dans leur intérêt, si ce n'est peut-être avec des élucubrations psychanalytiques sur la toxicité supposée de la mère ?
Certains commentateurs de cette affaire,ayant manifestement oublié le serment d’Hippocrate relatif à leur profession, prétendent pouvoir juger, en regardant un documentaire sur cette tragique histoire, de la "fragilité" de cette femme et affirmer sur ce simple ressenti qu'elle ne serait pas capable d'élever "non pas un, mais trois enfants autistes".
Comment sortir la psychanalyse soit disant modernisée de son opacité avec de telles monstruosités ?
Il reste bien des découvertes à faire autour de l'autisme, des autres handicaps aussi,la science n'a pas dit son dernier mot.
Mais en attendant que la science avance, comment ne pas préférer se détourner de cette "main tendue" qu'est la psychanalyse quand elle n'a rien d'autre à proposer que la destruction de l'individu et de sa famille avec ses concepts archaïques, sa toute puissance, sa promptitude à théoriser ce que la science méconnaît et à ériger ses concepts en règles.
Soigner, c'est "prendre soin",ce n'est pas une science exacte, mais bien une philosophie qui rappelle que nous sommes tous égaux en droit, tous issus de la même humanité et qu'en matière d'humanité, personne ne détient la science infuse.
"Prendre soin", c'est savoir faire taire ses propre préjugés, c'est avoir assez d'humilité pour faire silence, ne pas réduire l'autre à ce que l'on imagine de lui pour créer l'écoute active indispensable qui permet d'entendre la demande de l'autre.
La bonne méthode pour prendre soin, serait d'arrêter de "prendre en charge l'autisme" mais d'accompagner la personne autiste.
Tout le reste n'est que bavardages inutiles autours de querelles de clochers,en attendant qu'un jour, la France se rappelle enfin ses obligations : s'assurer que les personnes en situation de handicap ne soient plus des objets de soins mais des sujets de droits !
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