Handicaps & Scolarité
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COMPTE-RENDU de notre PARTICIPATION AUX CONCERTATIONS
sur « L’ECOLE INCLUSIVE »
Mme Sylvie MOSCILLO, Présidente de l’association DEFIS74 a été invitée à participer aux concertations sur l’école inclusive, invitation acceptée pour représenter les associations partenaires du collectif Handicaps & Scolarité ci-contre mentionnées.
Afin de préparer aux mieux ces concertations, nos associations ont initié en amont une collecte d’informations auprès des membres de leurs associations respectives afin d’analyser les freins à l’égal accès à l’école pour tous, ainsi qu’un rappel des droits de nos enfants.
En raison de l’immense mascarade qu’auront été ces concertations – omettant d’informer les parents sur les expérimentations PIAL déjà en cours afin qu’ils n’en comprennent pas les tenants et aboutissants – il nous semble indispensable de rappeler ici et par écrit les exigences portées par nos associations afin que cesse l’élaboration de tous plans, dispositifs attentatoires aux droits de nos enfants.
L’école pour tous : un droit constitutionnel, une liberté fondamentale.
L’obligation d’instruction entre 6 et 16 ans s’applique à tous les enfants.
Le droit à l’égal accès à l’instruction pour tous, inscrit dans la constitution de 1946, est d’ailleurs reconnu comme une liberté fondamentale.
La loi du 11 février 2005 – pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées -rappelle ce droit constitutionnel et réaffirme l’obligation du service public de l’Etat d’assurer la formation scolaire, professionnelle et supérieure de tous les enfants, adolescents et adultes en situation de handicap.
Ce cadre législatif crée ainsi l’obligation pour l’Etat de mettre en œuvre les moyens humains et financiers nécessaires à rendre effectif ce droit à l’école pour tous. C’est cela, l’école de la République.
Afin de garantir un parcours adapté à tout enfant en situation de handicap, les Maisons Départementales des Personnes Handicapées (MDPH) se sont vues confier la mission d’évaluation des besoins et compétences de tout enfant en situation de handicap afin d’apporter des réponses de droits spéciaux consignées dans un document, le Projet Personnalisé de Scolarisation (PPS), garant de la continuité et de la cohérence du parcours de l’enfant, puisque l’ensemble des mesures prises s’imposent à l’établissement qui accueille l’enfant.
La loi de 2005 explique – pour partie – que le nombre d’enfants handicapés de 2006 à aujourd’hui est passé de 155 000 à 320 000, augmentant par là même les mesures de compensation.
Pour autant, le retard de la France en matière de scolarisation des enfants en situation de handicap reste plus que préoccupant : un enfant en situation de handicap sur quatre ne peut pas avoir accès à l’école, sans parler de la qualité de la scolarisation de ceux qui sont scolarisés qui ne bénéficient pas des aménagements indispensables, sont scolarisés sur des temps plus que partiels, sont ségrégués dans des classes/dispositifs Ulis ou assimilés etc….
Des engagements bien vite oubliés.
Si E. Macron avait fait de cette promesse que chaque enfant handicapé aurait son accompagnant un slogan phare de sa campagne électorale, promesse rappelée par ses Ministres à la rentrée 2017 puis à la rentrée 2018, force est de constater que les seuls actes posés sont une diminution du nombre de postes d’AVS (Auxiliaires de Vie Scolaire) ; en effet, à chacune de ces rentrées, l’annonce mirobolante du recrutement de 10 000 postes supplémentaires en CDD est faite, oubliant de préciser que dans le même temps, on supprime 20 000 postes en contrats aidés. Faute de ces accompagnements, nombre de nos enfants restent aux portes de l’école quand d’autres sont orientés dans des dispositifs collectifs qui permettent de mutualiser les moyens mais pas forcément l’égalité des droits et des chances.
Au nom de l’école inclusive …
Depuis 18 mois, on concerte dans un entregent, on commande des rapports qui ne rapportent rien si ce n’est que de poser le constat que si la loi n’entre pas en application, c’est que la loi serait mauvaise et à changer. Ainsi, le Ministère de l’Education Nationale s’étonne dans ses rapports de "l’impatience des parents à exiger le respect des droits de leurs enfants", 14 ans après la promulgation d'une loi.
Et dans ce contexte de réduction drastique de moyens (suppression de postes d’enseignants et d’AVS, formations des professionnels de l’Education Nationale réduites à de simples MOOC), et parce que les considérations financières et organisationnelles président à toute réflexion, y compris celles de remplir ces obligations légales et d’apporter les moyens, l’objectif premier pour améliorer la qualité de l’école inclusive va se poser ainsi : comment arriver à mutualiser les moyens humains pour faire du saupoudrage d’accompagnement pour chacun des enfants handicapés ?
Le PIAL (Pôle d’Inclusion d’Accompagnement Localisé) :
L’expérimentation des PIAL a été lancée par Mr Blanquer le 18 juillet 2018. Ces PIAL auraient pour objectif de réorganiser l’accompagnement dont bénéficient certains élèves au titre de la compensation de la situation de handicap.
Ils sont censés répondre aux soucis, tout à fait louable, d’impliquer davantage l’ensemble des acteurs de la communauté éducative dans la mise en œuvre de « l’inclusion ».
Le deuxième objectif, plus discutable serait d’améliorer la communication entre les équipes pédagogiques et les professionnels des secteurs sanitaires et médicaux-sociaux en vue de transformer ces derniers.
En d’autres termes, ce dispositif aurait pour but d'unifier, "de mettre en synergie" des moyens de compensation des conséquences du handicap non plus au service de l’enfant pour lui permettre l’accès au droit commun, l’accès à l’école, aux soins et rééducation mais de conditionner la scolarisation de l’enfant à la condition qu’il s’adapte à l’offre d’accompagnement proposée par le PIAL.
Les PIAL sont actuellement expérimentés dans plusieurs régions, et sont censés être généralisés à toutes les académies à la rentrée 2019.
Ce dispositif est pensé notamment en considération des recommandations du rapport n°2018-055 de l’IGAS, IGEN, IGAENR sur l’évaluation de l’aide humaine pour les élèves en situation de handicap.
Ce rapport constate un certain nombre de défaillances du système actuel :
- Le "recours trop systématique à l'aide humaine pour accompagner les enfants" à la demande de l'école.
- L’absence de PPS, document qui actuellement peut être attribué dès qu’un enfant entre dans le champ du handicap tel que défini par l’article L114 du code de l’action sociale et des familles, à des enfants ayant besoin d’une aide humaine à temps complet.
Les PIAL, au lieu d’envisager de remédier aux défaillances du système, en ont fait les bases de leur fonctionnement !
1 - Concernant l’évaluation des besoins de compensation des enfants :
Elle est actuellement effectuée par les équipes pluridisciplinaires des MDPH, qui comprennent des professionnels médicaux et paramédicaux ainsi que des professionnels de l’éducation. Les PIAL prévoient que l’évaluation actuelle des besoins soit faite par le biais d’un document appelé APUI-Sco, qui laisserait entièrement aux équipes de l’éducation nationale la tâche d’évaluer les besoins de l’enfant et les compensations à mettre en œuvre. Si ces besoins excèdent la simple adaptation, les dossiers seraient transmis à la MDPH, qui rédigerait alors un véritable PPS.
Il est irresponsable et contraire au droit de faire relever l’évaluation des besoins des enfants uniquement par des professionnels de l’éducation nationale. Les personnels de l’éducation nationale ne sont pas qualifiés pour accéder aux informations d’ordre médical. Ils n’ont aucune compétence pour apprécier correctement les compétences cognitives et comportementales des enfants, ainsi que leurs possibilités de développement. Un tel fonctionnement remettrait en cause directement le droit à une évaluation des besoins de l’enfant tel que l’édicte l’article L112-2 du Code de l’éducation.
2 - Concernant l’évolution de l'outil garant du parcours adapté (le PPS) :
Le remplacement des PPS (Projet Personnalisé de Scolarisation), validés par la CDAPH (Commission des Droits et de l'Autonomie des Personnes Handicapées), opposables devant la loi de par sa nature, par des sortes de PPS internes établis uniquement par l’éducation nationale, non opposables, pour les élèves ayant un besoin d’accompagnement à temps partiel, laisserait les familles sans aucun recours dans le cas où l’accompagnement serait insuffisant pour le bon déroulement de la scolarité d’un enfant, et dans le cas où les décisions d’orientation dépendraient d’évaluations et d’accompagnements décidés unilatéralement par l’éducation nationale. C’est la situation qui prévalait avant la loi de 2005.
Un tel fonctionnement serait un recul pur et simple du droit à l’éducation des enfants porteurs de handicap.
3 - Concernant la constitution de « pôles » :
Il s’agirait d’établissements ou de circonscriptions au sein desquels seraient affectées les AESH, et où le chef d’établissement ou l’inspecteur de circonscription seraient responsables de l’allocation des moyens aux enfants. Les AESH seraient, pour la quasi-totalité d’entre elles, mutualisées, et leur temps d’intervention auprès de tel ou tel enfant serait décidé par les services de l’éducation nationale, en fonction de l’évaluation des besoins faite par ces mêmes services qui seraient à la fois juges et parties.
Il s’agit là juste d’une manœuvre dilatoire pour :
- contourner la MDPH pour qu’elle ne crée pas de droit opposable en fonction des besoins de compensation de l’enfant en situation de handicap.
- de laisser évaluer nos enfants par l’école qui décidera qui relève du champ du handicap ou pas et adaptera les réponses en fonction de ce dont elle dispose.
En conclusion :
Il est bien regrettable que l’Education Nationale ne se soit pas rappelée de ses missions légales :
« L'éducation est la première priorité nationale. Le service public de l'éducation est conçu et organisé en fonction des élèves et des étudiants. Il contribue à l'égalité des chances et à lutter contre les inégalités sociales et territoriales en matière de réussite scolaire et éducative. Il reconnaît que tous les enfants partagent la capacité d'apprendre et de progresser. Il veille à l'inclusion scolaire de tous les enfants, sans aucune distinction. » article L111-1 du code de l’éducation.
Ainsi, M. Blanquer aurait sans doute rappelé que l’objectif à viser pour une école inclusive, c’est avant tout d'améliorer les conditions d’accueils de nos enfants. On se demandera ce qui dans ces deux mots « égal accès » échappe encore à nos pédagogues, pour qu’ils nous expliquent qu’ils pourraient soumettre ce droit constitutionnel à une quelconque condition, un besoin de catégorisation, de stigmatisation.
Chacun comprendra aisément qu’un droit constitutionnel n’a pas à faire l’objet de négociations dans le cadre de concertation où chacun s’arrogerait le droit de dénier les droits de nos enfants, au regard de considérations financières, organisationnelles. Nos enfants ne sauront être livrés en pâture d’une telle désorganisation, au service d’une double démarche voulue par l’administration.
En effet, tandis que l’on occupe les acteurs de l’école inclusive dans un ersatz de concertations depuis cet automne, par types d’acteurs pour mieux pouvoir instrumentaliser le débat, où l’animateur des échanges – le secrétariat d’Etat – fera l’article des bienfaits d’un PIAL qu’il ne présente pas, tout en prenant garde de ne pas prendre en considération une quelconque référence aux droits de nos enfants … ni même au simple bon sens, M. Blanquer peaufine sa proposition de loi sur l’école de la confiance.
C’est sans doute parce que M. le Ministre pense que la confiance se décrète qu’il a prévu un article pour permettre au service public de l’éducation d’expérimenter – ce qui pourrait alors justifier que ce service public se soit permis d’expérimenter le déni des droits de nos enfants depuis quelques mois déjà … sans la moindre autorisation, si ce n’est celle de son auto-évaluation, pour ne pas dire auto-satisfecit rapportée dans le rapport de l’IGAS : aucun parent n’ayant fait recours quand on a détourné l’aide attribuée à son enfant pour la mutualiser au profit de l’école, pourquoi ne pas continuer à procéder ainsi ?
Aussi, nos associations signataires exigent l’arrêt immédiat :
- de l’expérimentation des PIAL qui rendent l’exercice du droit de nos enfants impossible,
- de cette mascarade que sont ces pseudos « concertations » tant que ne sera pas produit en amont de tout échange un état des lieux factuel et exhaustif de la situation de nos enfants en France par une entité indépendante. Il ne suffit pas de partir dans des élucubrations ni de s’égarer dans des cours magistraux en gestion de ressources humaines pour retrouver assez d’humilité, d’humanité pour penser l’école pour tous de demain.
- de toute communication décomplexée, irrespectueuse et préjudiciable à nos enfants, en ce qu’elle laisserait à penser que le handicap de nos enfants justifierait un traitement particulier (scolarité soumise à l'évaluation des compétences par l'école) et par conséquent discriminant pour avoir droit à l’égal accès à l’instruction et à la culture.
L’égalité des droits et des chances pour nos enfants voulue au nom de la non-discrimination et de la solidarité nationale ne saurait exister tant que l’Etat omettra de s’acquitter de ses obligations légales en mettant en œuvre les moyens nécessaires à l’effectivité de la scolarisation de nos enfants. Bien des pays (notamment l’Italie) nous montrent que l’école pour tous n’est pas une utopie, pour peu que l’on se donne les moyens de nos ambitions.
Mettons fin à ces grands palabres stériles sur des concepts d’école « inclusive », d’école « de la confiance » pour être tous mobilisés pour une école de la République pour tous, en capacité de remplir sa mission d’instruction pour tous !
Pour aller plus loin : notre page sur les concertations